Sauver les haies et les chemins ruraux

Un peu d'histoire

Au Moyen-Age, alors que presque toute la population est paysanne, chacun préserve, délimite son champ, sa parcelle par des talus, des murets, des haies. Le pacage se fait dans les forêts où les haies (courbes..) servent alors à empêcher le bétail de sortir du bois pour aller sur les terres des seigneurs et sur les bords de chemins, très larges. Les haies sont entretenues (palissage...) et exploitées pour fournir du bois de chauffage. Au 18ème siècle, la France rurale est vécue comme un "vaste bourbier " à assainir, à domestiquer, à partager. La haie se densifie au 19ème, suivant une évolution qui est à la fois agronomique, sociologique, ethnographique.

Le bocage en tant que système d'exploitation agricole forme les paysages : il y a des fonctions déterminantes. Après la 2nde guerre mondiale (la première a déjà fortement touché la population rurale), le monde occidental assigne à l'agriculture le devoir de produire pour nourrir une population plus urbaine et une démographie galopante. Le traité de Rome de 1957 renforce cette culture productiviste pour "l'indépendance alimentaire". Du paysage, de l'environnement, il n'est pas fait mention. Les remembrements, les pelleteuses et tronçonneuses, les pesticides, outils de cette restructuration de l'agriculture devenue industrielle et avide de profits et de rentabilité, conduisent à une balkanisation de l'espace : l'espace agricole aux agriculteurs, celui des migrations aviaires aux chasseurs, l'espace protégé aux naturalistes…Les espaces de connexions sont devenus globalement inutiles, non rentables, gênants. Aujourd'hui, alors que l'utilité publique de la haie commence à être reconnue, des études constatent sa dramatique disparition, accompagnant celle des chemins ruraux, des ripisylves et des zones humides… et des paysans.

Le bocage est d'intérêt public

Les haies ont donc été plantées par traditions agraires évolutives et brutalement arrachées par intérêt. En moins d'un siècle, 65 % des haies françaises ont été arrachées : 3 millions de km2 en 1850, 2 millions en 1950, 700.000 en 1996. Il continue d'en disparaître en moyenne 4 % par an, plus dans certains "pays", comme la Bresse. Partout où la haie était encore fortement présente il y a une vingtaine d'années – pays de polyculture et d'élevage, d'agriculture traditionnellement extensive – son volume et sa qualité s'effondrent. Sur les causes structurellement liées à l'agriculture industrielle, se greffent des facteurs multiples dans lesquels on trouve, pêle-mêle, les évolutions du contexte économique et énergétique, des moyens techniques (le "débroussailleur"), le contexte juridique et administratif, social et culturel. S'il est normal et inéluctable que les paysages, les techniques, les lois et les hommes évoluent, il reste à cette humanité qui occupe l'espace, la responsabilité de maîtriser ces évolutions dans un sens favorable aux générations futures. C'est le développement durable. Or, la disparition des haies, de chemins, des zones humides, des arbres isolés, relève d'une volonté délibérée alors même que l'on en connaît les conséquences contraires à l'intérêt général et les coûts pour la collectivité.